Publié par Guy Jovelin le 04 août 2021
Dans la vie il y a trois sortes de gens : les gens bien , les pas grand-choses et les moins que rien.
By brunobertezautresmondes brunobertez.com 7 min View Original
Une réflexion en passant: grâce à cette crise terrible, il y a des gens bien, des gens de valeur qui émergent.
Dans la vie il y a trois sortes de gens ; les gens bien , les pas grand-chose et les moins que rien.
« Vie de merde pour les non-vaccinés »
La division, le président de la République l’organise en recourant aux amalgames et caricatures qui lui servent de méthode de gouvernement après que, candidat, il nous eut promis une République apaisée. Une division de plus au prix de l’infantilisation de tout esprit critique. Ce parti pris donc de punir, et surtout de ne pas écouter pour ne pas à avoir à entendre.
« Donc ça va être primauté aux vaccinés et vie de merde pour les non-vaccinés » : ainsi s’exprime le « conseiller d’un ministre de premier plan » selon Libération (21 juillet). Il ne fait que donner la version off du « faire porter les restrictions sur les non-vaccinés plutôt que sur tous » de son maître, Jupiter.
Curieux raisonnement de la part du magistrat suprême garant d’une Constitution dont l’article premier stipule que la République est « indivisible ».
La division, le président de la République l’organise lui-même en recourant aux amalgames et caricatures qui lui servent de méthode de gouvernement après que, candidat, il nous eut promis une République apaisée.
« En meme temps » non pour réunir, mais pour briser le peuple et briser les codes en lesquels il se reconnait comme peuple.
Certains s’inquiètent-ils de la 5G ? Ils veulent revenir à l’âge de la bougie…
Certains s’opposent-ils au pass sanitaire ou refusent-ils la vaccination ? Manque de civisme, obscurantisme… Quitte à ajouter, pâtelin, comme le sont généralement les pouvoirs autoritaires quand ils se veulent protecteurs, que l’on va convaincre les récalcitrants de « bonne foi » en les dissociant de la « frange capricieuse et défaitiste, très minoritaire, qui se satisferait bien de rester dans le chaos et l’inactivité », selon les termes de son porte-parole, Gabriel Attal.
Une division de plus au prix de l’infantilisation de tout esprit critique.
Un « membre du gouvernement » voit d’ailleurs dans la ruée vers les vaccins qui a suivi l’allocution d’Emmanuel Macron « la preuve qu’il fallait taper sur les doigts avec la règle » (Libération, 24-25 juillet). Déclaration intéressante alors que le Parlement vient d’abolir les punitions corporelles à l’encontre des enfants.
La macronie ne parvient décidément pas à se libérer de cette conception paternaliste de l’autorité à l’égard des « Gaulois réfractaires », et même de la représentation nationale que son gouvernement bouscule sans ménagement jusqu’au petit matin en lui faisant revoter des amendements de dernière minute déjà repoussés.
Ce parti pris permet donc de punir, et surtout de ne pas écouter pour ne pas à avoir à entendre.
Premier amalgame : entre les opposants à la vaccination et les opposants au pass. Les deux refus sont distincts. L’on peut accepter la vaccination en rejetant le pass parce qu’il ouvre la voie à l’instauration d’une société de surveillance absolue, trouvant désormais sa légitimité dans la santé après avoir fructifié dans l’humus de la lutte contre le terrorisme, l’immigration, la délinquance, l’évasion fiscale, etc. L’on peut aussi accepter la vaccination et récuser la délégation de son contrôle à des entreprises privées parce que l’on a gardé en mémoire le traité de La Boétie sur la « servitude volontaire » : « Le tyran asservit ses sujets les uns par les autres ».
Deuxième amalgame : entre les différentes raisons et les différents périmètres du refus du vaccin. Les uns peuvent s’y opposer pour des considérations religieuses ou philosophiques, d’autres s’inquiéter de son administration à leurs enfants, d’autres encore accepter un type de vaccin et non tel procédé, etc.
Troisième amalgame : entre l’opposition au vaccin (ou au pass) et l’incivisme, l’égoïsme, l’individualisme (pourtant exalté et promu par Emmanuel Macron au nom du respect de la liberté, de la responsabilité, de l’initiative, de l’effort et tutti quanti).
Inciviques, donc, et égoïstes les soignants et les pompiers que révulse l’obligation de se faire vacciner qui leur est imposée, en dépit de leurs glorieux états de service depuis le début de la pandémie.
Assignées à l’incivisme la police et la gendarmerie, curieusement exemptées de cette obligation qu’ils ont la charge de faire appliquer au commun des citoyens, en une nouvelle rupture d’égalité devant la loi qui en dit long sur la dépendance de tout pouvoir autoritaire à ses forces de répression ?
De tels amalgames commodes facilitent l’occultation des racines de la défiance des Français, vaccinés ou non, à l’encontre du pouvoir politique, que vient de rappeler l’abstention massive aux régionales.
La réticence d’une partie du personnel soignant s’explique par ses compétences médicales propres – une interrogation sur l’innocuité de vaccins trop récents pour que l’on en connaisse les effets à long terme – mais aussi par le mépris qu’Emmanuel Macron a opposé à l’hôpital lorsque celui-ci s’est mis en grève en 2019 pour essayer d’obtenir les moyens dont la pandémie révélera le manque cruel.
L’Etat paye également le prix de ses mensonges à répétition et de ses incompétences dans le domaine de la santé, depuis le nuage de Tchernobyl s’arrêtant aux frontières de l’Hexagone jusqu’à l’inutilité des masques en passant par l’affaire du sang contaminé.
Entachée par les errements des laboratoires Servier, la quête forcenée de profits de l’industrie pharmaceutique et son instrumentalisation pernicieuse de la recherche, la crédibilité du secteur privé, auquel s’en remet désormais l’Etat, n’est pas plus évidente aux yeux du grand public.
Enfin une part de l’opinion est à juste titre tétanisée par la transformation d’une technologie d’ordre commercial – le QR code – en moyen de surveillance de la vie quotidienne et de partage aveugle de la population dont Parcoursup a imposé aux familles les travaux pratiques et algorithmiques depuis trois ans. Là aussi la méfiance est de mise.
D’une part, l’Etat, de fichier en fichier, n’a cessé de mentir quant au respect des libertés publiques dont il a systématiquement cherché à s’affranchir, jusqu’à ce fameux engagement d’Emmanuel Macron, en avril, selon lequel « le passe sanitaire ne sera jamais un droit d’accès qui différencie les Français ».
Son inénarrable ministre de l’Education « nationale » (sic) menace aujourd’hui d’ « évincer » (re-sic) des établissements scolaires les élèves non vaccinés. La semaine prochaine il leur promettra la fessée ?
D’autre part, la Chine nous donne un avant-goût de l’avenir que nous prépare ce genre de technologie dont la fiabilité reste au demeurant à démontrer, de cyberattaques en cyberattaques.
Quelle foi accorder à l’inviolabilité des données médicales et personnelles auxquelles le QR code donne accès lorsque le président de la République n’est pas capable de sécuriser son propre téléphone, ainsi que l’a révélé l’affaire Pegasus ?
Pourquoi se fier à Emmanuel Macron plutôt qu’à la Défenseure des droits et à la CNIL qui toutes deux s’inquiètent d’une atteinte « particulièrement forte » aux libertés fondamentales pendant que se couche le Parlement ?
D’ores et déjà le bilan de l’autoritarisme jupitérien et des petits marquis qui nous gouvernent en conseil de défense est affligeant.
De nouveaux vaccinés, certes, mais au prix de la brutalité politique, du désordre de la vie quotidienne et de l’hystérisation du débat.
Qui sème la division récolte les guillotines en papier mâché. Qui règne par le mensonge alimente le complotisme.
Rien ne dit qu’une approche plus respectueuse des convictions, du libre-arbitre de chacun, de la raison, des institutions n’aurait pas eu des résultats aussi probants et surtout plus durables pour construire une vraie culture de la santé publique face aux inévitables nouvelles pandémies à venir.
Une seule solution, la vaccination ? Non, une seule solution : la vaccination, sans doute, mais aussi la désobéissance civile, sans violence physique ni symbolique, à l’encontre d’un Etat qui en ferait un élément de discrimination entre ses citoyens. Foi de vacciné.
JEAN-FRANÇOIS BAYART
Professeur au Graduate Institute (Genève), titulaire de la chaire Yves Oltramare «Religion et politique dans le monde contemporain».